Quelques explications sur la détection et l’investigation des cibles.

Publié le 16 Juin 2014

Lors des longues lignes que nous effectuons avec la vedette Zéphyr, il nous arrive (heureusement !) de trouver des cibles plus ou moins intéressantes. Par exemple pour la campagne actuelle de 2014, le nombre de cibles repérées pendant les acquisitions journalières est à ce jour de plus de 170. La grande majorité est éliminée immédiatement, pour des raisons diverses : pas la bonne taille après une rapide analyse, pas d’anomalie magnétique à ce point dans le cas d’une cible repérée au sonar, ou au contraire une anomalie repérée par le magnétomètre, mais provenant de roches ou autres formations géologiques qui peuvent être visualisées au sonar, etc. Une autre bonne partie est ensuite éliminée rapidement après des passages supplémentaires avec le sonar en haute définition, mais aussi lors du traitement des données à terre, réalisée le soir, pendant les jours où la météo ne permet pas de sortir travailler en mer, ou bien encore au retour en métropole après la campagne sur place. Il ne reste donc au final que quelques points intéressants, dont la probabilité est la plus forte. Cela est valable aussi bien pour le Ravenel que pour l’Oiseau Blanc.

Il est donc ensuite nécessaire d’aller investiguer ces cibles restantes lorsque tout ce travail n’est pas suffisant pour identifier valablement ces points. Lorsque la profondeur le permet, le meilleur moyen est d’envoyer des plongeurs sur zone, afin de réaliser des photos ou vidéos de la cible. Lors des campagnes précédentes, les deux cibles les plus intéressantes concernant la recherche du Ravenel avaient été les bateaux identifiés comme le Cupids et le Savoyard 2. A noter que ces épaves, dont les positions étaient localement connues de façon approximatives (« Elles ont été coulé dans la fosse entre St Pierre et la presqu’île de Burin! »), ont depuis été l’objet de fiches d’épaves officielles par le SHOM, avec l’utilisation des positions précises et des images sonar que nous avons fournis, et devraient apparaître sur les prochaines éditions des cartes marines françaises.

Trouver un bateau de 200 tonnes est une chose, mais un relativement petit objet comme le moteur de l’Oiseau Blanc en est une autre, comme aiment à le rappeler certains observateurs extérieurs qui ont la critique facile, alors même que nous en sommes parfaitement conscient. Le magnétomètre et le sonar latéral sont les instruments indispensables des recherches d’objets perdus en mer au sein de l’industrie hydrographique (eh oui… un « détecteur d’épave », cela ne se loue ni ne s’achète pas, tout simplement parce que cela n’existe pas en tant que tel…), et ils ont une nouvelle fois prouvé leurs capacités de détection pour la cible que nous avions surnommé « le lit » lors d’une précédente campagne. Cette cible avait été conservée comme intéressante, et devait donner lieu à une investigation par plongeur. C’était un objet métallique, de 3m de long par 1m de large, avec une masse ferreuse d’environ 150Kg, reposant par une cinquantaine de mètres de fond au Sud-Est du haut-fond des Grappins, et qui pouvait faire penser à la structure métallique des réservoirs de l’Oiseau Blanc.

Grâce au concours du Club Nautique St Pierrais (que nous remercions encore une fois chaleureusement pour leur aide), cette plongée a été réalisée Samedi 14 Juin 2014 dans la matinée. La veille, nous étions allé sur la position géographique confirmée tant par le magnétomètre que le sonar latéral, et avions mouillé une bouée. Les plongeurs sont descendus le long du mouillage et ont immédiatement repéré l’objet en question. Des vidéos et photos sous-marines ont été faites, ainsi que des mesures in situ, qui ont confirmé celles effectuées sur ordinateur.  Après visionnage, les photos et vidéos nous ont malheureusement permis de conclure qu’il ne s’agissait pas d’une partie de l’Oiseau Blanc, mais de morceaux de métal entrecroisés qui font penser à des rails.

Ci-dessous des images de cette fameuse cible T08 « le lit »:

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La fenêtre entière du sonar latéral, où la cible a été repérée, juste après un changement de sédiment (fin de rides sous-marines). On est ici loin d’avoir un énorme objet, et on s’aperçoit bien de l’attention nécessaire pour ne rien laisser passer.

 

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Ce morceau de l’écran est ensuite noté comme intéressant, l’image est agrandie, les couleurs peuvent être modifiées, et des mesures de distance réalisées.

 

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La troisième image comporte les courbes magnétiques de deux passages autour de l’objet, dans des directions différentes, ce qui explique le sens différents de l’anomalie magnétique par rapport au champ ambiant.

 

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Et pour finir une photo sous-marine de l’objet, prise par les plongeurs du Club Nautique St Pierrais, pour comparaison. (Photo : Stéphane Salvat et Thierry Kersaudy)

Même si au final cette cible va rejoindre la liste de celles déjà invalidées, cela nous montre bien une fois de plus que retrouver le moteur de l’Oiseau Blanc n’est pas qu’une utopie. Les instruments sont performants et surtout adaptés à ce que nous faisons, le positionnement du bateau et des capteurs est  assez précis pour nous permettre d’envoyer avec confiance des plongeurs à plus de 50 mètres de profondeur sans leur faire perdre de temps à chercher l’objet, et donc si le moteur Lorraine-Dietrich se trouve bien dans une des zones de recherches, nous avons toutes les chances de le repérer de la même manière…et cette fois-là les plongeurs reviendront avec des images qui nous donneront encore plus le sourire que celui procuré par la satisfaction d’un travail bien fait.

Sébastien Goguet, Senior Surveyor (3S Consult) – Installation et interfaçage des instruments – Opérateur du sonar latéral

Hervé Blanchet, Chef de Mission (DRSM) – Logistique des instruments – Navigation - Opérateur du magnétomètre


L’équipe du Club Nautique St Pierrais qui a effectué la plongée :

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© JC L'Espagnol


La vedette Zéphyr à côté de la bouée mouillée pour indiquer la position aux plongeurs:

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© JC L'Espagnol

Rédigé par L'Oiseau Blanc

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Y
merci pour toutes ces explications. Courage, il faut toujours y croire... Yann D......
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D
felicitation et merci de ces explications!<br /> ne perdez pas courage votre travail exellent finira par payer
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B
Bien joué pour "le lit" (entre autres), car ces explications sont salutaires pour éclairer ceux qui doutent encore des moyens mis en oeuvre pour les recherches. M'adressant à présent au commentaire<br /> n°1, je dirais qu'après toutes ces années, le moteur de l'Oiseau Blanc ne serait pas si abimé qu'on pourrait le penser. En effet, dans ces mers froides, l'action de corrosion de l'eau salée est<br /> ralentie par rapport à nos côtes. Aussi, il devrait encore ressembler à un moteur et de fait être parfaitement identifiable. Bon, de là à brancher les magnétos..... !
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P
Bonjour Messieurs,<br /> <br /> Je viens de voir la photo représentant les objets en métal. J'imagine que vous avez pu identifier de quel métal il s'agit. Est-il possible de les dater ? Et à partir de là, que pourriez en déduire<br /> sur l'état de ce qui resterait du moteur de l'OB après 90 années passées dans l'eau salée ?<br /> <br /> Encore bravo pour votre persévérance; je vous souhaite plein succès pour cette campagne 2014.<br /> Meilleures salutations,<br /> PS
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R
à toute l'équipe de plongeurs recevez mes sincéres salutations pour le travail accomplit, votre tenacité et toute à votre honneur!!!! et la récompense finira par être payante!!!!!! bien faire et<br /> laisser dire car certains n'ont<br /> rien compris.
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